La tourbe

A travers cet article nous allons essayer de mieux comprendre ce qu’est la tourbe ? Comment élabore-t-on un whisky tourbé ? Et avec quels types de mets les whiskies tourbés s’accordent-ils le mieux ?

De manière générale, les whiskies tourbés développent des arômes intenses de terre noire fraîche humide et de fumée. La présence de tourbe dans le whisky fera aussi naître, après son élevage en bois, des arômes de réglisse, de feu de cheminée, de cendre, mais aussi de clou de girofle, de camphre et d’eucalyptus.

Ces arômes attirent des saveurs de même style voire de même famille se mariant particulièrement bien avec :

° des légumes à base de soja, de champignon, de betterave, d’endive cuite et d’algues marines,

° des condiments comme les olives noires ou vertes, les câpres et les anchois,

° des poissons fumés et grillés tels que le saumon et la truite par exemple ainsi que tous les fruits de mer frais et iodés,

° des viandes faisandées, grillées comme le jambon cru, le canard, le bacon et bien d’autres viandes fumées,

° des fromages à pâte persillée tels que le roquefort et le stilton cheese mais aussi des fromages à croûte lavée tels que l’époisse de bourgogne et le munster,

° des épices comme la réglisse, le clou de girofle et la menthe,

° des desserts à base de chocolat noir intense, de café et de spéculoos.

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Qu’est-ce-que la tourbe ?

La tourbe est une matière organique fossile formée par accumulation de matière morte sur une longue période de temps, essentiellement composée de végétaux dégradés par des micro-organismes tels que les bactéries, les arthropodes, les champignons et la microfaune. Les tourbières sont situées dans des milieux humides saturés d’eau et pauvres en oxygène. Séchée, elle donne un combustible qui chauffe moins que le bois et le charbon.

Les tourbières

Tourbière

L’apparition et le maintien des tourbières dépendent de certains facteurs. D’abord le bilan hydrique doit être nul ou positif, de sorte que le milieu soit presque constamment inondé ou gorgé d’eau. Les milieux aquatiques doivent être pauvres en dioxygène ce qui mène à la préservation de la matière organique. Cette abondance en eau peut être aussi due au relief, qui permettra d’une manière ou d’une autre la stagnation de l’eau. On trouve des tourbières dans le milieu arctique, subarctique, tempéré et tropical. En zone tempérée, la température doit être faible, ce qui ralentit encore les processus de décomposition de la matière organique morte. En zone tropicale, ce sont les précipitations importantes qui compensent l’importante évapotranspiration due à la chaleur.

Il existe différents types de tourbe :

« La tourbe blonde » provient de la transformation des sphaignes. Elle est légère, aérée, fibreuse, riche en cellulose et en carbone. Sa texture est dite fibrique. Ses autres traits essentiels sont sa faible densité, sa forte teneur en eau et sa pauvre teneur en cendre minérale car souvent jeune.

« La tourbe brune » celle utilisée en Ecosse ou sur l’île d’Islay par exemple, provient de la transformation de débris végétaux ligneux (arbres divers) et d’éricacées. Elle est composée de fibres mélangées à des éléments plus fins, provenant d’une dégradation plus poussée des végétaux, lui donnant une texture mésique.

« La tourbe noire » utilisée aussi en Ecosse et sur l’île d’Islay, provient de la décomposition des cypéracées (plantes) et d’algues marins quelquefois. Elle est riche en particules minérales et organiques fines. Il y a moins de carbone et plus de cendres. La texture est le plus souvent saprique, c’est-à-dire que la tourbe est plastique et moins fibreuse.

Un peu de technique

La mesure de la tourbe, présente dans le malt après séchage, est exprimée en PPM (partie par million) de phénols. Les principaux phénols sont les crésols et les xylénols. 1 ppm correspond à une molécule diluée dans 1 million d’autres molécules. Un whisky tourbé à 25 ppm correspond donc à 25 molécules de phénols sur 1 million de molécules. Le « tourbé » mesuré en ppm est un indicateur du caractère fumé du malt et est mesuré communément par spectroscopie ou HPLC (high performance liquide chromatographie). La tourbe est utilisée comme combustible, la fumée tourbée riche en phénols fixés dans le malt lors du séchage, donnera alors un caractère tourbé au distillat final. Le degré tourbé du malt peut être contrôlé de trois manières : la quantité de tourbe brûlée, la durée de l’exposition aux fumées tourbées et par l’humidité de l’orge. C’est au cours des dix premières heures de séchage que la tourbe brûle et qu’elle imprègne de sa fumée le malt vert encore humide. La température ne doit pas dépasser 50°C afin de ne pas détruire les enzymes du malt. Une fois le taux d’humidité du grain ramené de 45% à 25%, la tourbe est relayée par un autre combustible qui achèvera le séchage de l’orge. Le malt, dont le taux d’humidité varie alors entre 4% et 6%, sera stocké dans des silos. En règle générale, les whiskies peu tourbés sont sous la barre des 15 ppm, les moyennement tourbés tournent autour des 20 ppm et les whiskies très tourbés dépassent les 30 ppm (pouvant parfois atteindre 80 ppm, voire même 258 PPM pour le whisky le plus tourbé du monde avec l’Octomore de chez Bruichladdich). Même les whiskies non tourbés du Speyside, par exemple contiennent des phénols (puisque n’importe quelle méthode de séchage du malt en produit), mais à concurrence de 2 ou 3 PPM, ce qui est imperceptible par nos organes sensoriels.

Petite conclusion

Autrefois, sécher l’orge sur un feu de tourbe rendait le malt plus résistant face aux moisissures et infections bactériennes. En même temps, cela permettait de contribuer au profil aromatique du distillat. La tourbe est toujours utilisée en grande quantité par cette industrie, principalement dans les distilleries se trouvant dans les Orcades, l’Ile de Skye, de Mull, et d’Islay. Les distilleries préfèrent utiliser les couches supérieures de la tourbe, car elles sont plus riches et plus fibreuses. Ces couches produisent d’avantage de fumée que les couches inférieures et confèrent d’avantage au profil aromatique du malt. Pour un usage domestique, les couches inférieures brûlent mieux, et génèrent d’avantage de chaleur et moins de fumée. De plus, suivant les tourbières, la tourbe peut avoir une composition et une structure différente, qui peut contribuer à des arômes particuliers que l’on retrouvera dans le caractère propre à chaque distillerie.

Voici quelques whiskies tourbés du monde

Octomore de chez Bruichladdich sur l’île d’Islay / Scotland, le whisky le plus tourbé au monde avec ses 258 ppm.

Big Peat, small batch, Islay blended malt / Scotland

Benromach, Peat Smoke, Speyside / Scotland

Yoichi, 15 ans d’âge, Japon

Amrut, Peated, Inde

Limeburners, Peated, Australie